Parmi les cinq causes principales d’érosion de la biodiversité, le dérèglement climatique et la destruction des habitats sont les plus menaçantes, révèle le CGDD. Mais les facteurs indirects ne doivent pas être négligés.
Le Commissariat général au développement durable (CGDD) a publié mi-décembre le rapport intermédiaire de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (Efese). Cette démarche, pilotée par le ministère de l’Environnement, vise à sensibiliser les différents acteurs aux enjeux de la préservation de la biodiversité et à améliorer le pilotage des politiques publiques.
Cinq grandes causes d’érosion de la biodiversité font consensus, souligne le rapport : la destruction et la fragmentation des habitats, la pollution des milieux, la surexploitation des ressources biologiques, les changements climatiques et les espèces exotiques envahissantes. Le CGDD a synthétisé sous la forme d’un tableau les impacts actuels et la tendance d’évolution de ces cinq facteurs. Le croisement de ces données montre que les deux facteurs les plus préoccupants sont la destruction des habitats naturels et le dérèglement climatique.
L’artificialisation des sols pointée du doigt
La cause principale de la destruction des habitats naturels est l’artificialisation des sols. « L’artificialisation du territoire et la consommation associée d’espaces naturels, agricoles et boisés demeurent préoccupantes« , pointent les auteurs du rapport. Ils constatent une augmentation des équipements sportifs et de loisirs à la périphérie des villes, ainsi qu’une (légère) diminution des espaces verts urbains. Géographiquement, c’est le littoral qui reste le plus touché avec une régression des surfaces agricoles 2,5 fois plus rapide que la moyenne nationale et un rythme de construction trois à quatre fois plus élevé que la moyenne sur la période 1990-2012.
Au delà de la destruction pure et simple des milieux, c’est aussi leur fragmentation et l’altération de leur fonctionnement qui posent problème. Pour ce qui concerne les espaces agricoles, les auteurs citent la poursuite du drainage des zones humides, la destruction des haies, la monoculture intensive, ou encore la fauche précoce des prairies. Ces pratiques impactent de nombreuses espèces comme, par exemple, le Grand hamster d’Alsace ou le Râle des genêts.
Sur les cours d’eau, les ouvrages hydrauliques perturbent les migrations d’espèces mais aussi la faune sédentaire. Dans les milieux marins, le chalutage de fond dégrade les fonds marins et leur biodiversité « à une large échelle« . L’une des seules notes positives, indépendamment des améliorations constatées par ailleurs sur certaines pollutions, concerne les écosystèmes forestiers, qui présentent « une tendance à l’agrégation (…) plutôt qu’à leur fragmentation« .
Changements climatiques : des effets déjà perceptibles
En ce qui concerne les changements climatiques, « les effets (…) sont déjà perceptibles et en hausse dans l’ensemble des écosystèmes français« , pointent les auteurs de l’étude. Les dérèglements touchent en premier lieu les écosystèmes forestiers marqués par les sécheresses de 2003 et 2005, ainsi que par des tempêtes.
L’augmentation des températures, associée à une diminution des précipitations en été, pourrait conduire à des épisodes de sécheresse plus longs en métropole. Le régime hydrologique devrait être également modifié avec une saisonnalité des débits plus marquée. En outre-mer, les effets attendus sont l’augmentation des températures, une modification du régime des pluies, une élévation du niveau de la mer et une augmentation de l’intensité des événements extrêmes. Il en résulterait un déplacement vers le nord, ou vers les plus hautes altitudes, des aires de répartition des espèces, la disparition de certaines d’entre elles, et des « impacts massifs » sur les milieux marins.
Mais les dérèglements climatiques ont également des effets indirects en renforçant l’impact des autres facteurs d’érosion de la biodiversité. C’est le cas des espèces exotiques envahissantes. Et les auteurs de citer un cas emblématique : l’expansion de la chenille processionnaire du pin qui se poursuit à « un rythme de 4 kilomètres par an vers le nord depuis plusieurs décennies« .
Ne pas négliger les facteurs indirects
« Ces cinq grandes causes d’érosion de la biodiversité résultent elles-mêmes de facteurs de changement indirects« , nuance toutefois le CGDD. La prise en compte de ces changements, ajoute-t-il, est essentielle afin « d’anticiper les évolutions futures et ne pas négliger des leviers d’action significatifs« .
Parmi ces facteurs indirects figurent la croissance démographique, l’évolution des comportements et des choix de consommation, les évolutions de l’appareil productif, l’accroissement des échanges commerciaux et la politique de protection de la nature.
Biodiversité | 04 janvier 2017 | Laurent Radisson /Actu-environnement